L’histoire de la terre battue

Les caractéristiques des terres battues sont très différentes d’un pays à l’autre d’où une certaine confusion dans ce domaine.
Au Mexique, en Amérique Centrale et en Amérique du Sud, on construit des courts en argile. Aux Etats-Unis, l’équivalent de notre terre battue est fabriquée à base de basalte. En France et en Italie, les courts en terre battue ne contiennent pas d’argile mais du calcaire.
On comprend que l’appellation anglo-saxonne clay court pour terre battue pose problème quand on sait que clay signifie argile! On ferait mieux de parler de courts soft ou doux en opposition aux hard courts ou courts en dur, ce serait un langage mieux compréhensible par tous.

Un résumé de l’histoire de la terre battue nous permettra de mieux comprendre son évolution.

LES ORIGINES

En 1874, le major Walter C.Wingfield codifie les règles du lawn tennis.
En 1878, les frères Renshaw, plusieurs fois vainqueurs de Wimbledon, construisent des courts de tennis en herbe sur la “Riviera” dans “Beau Site”, un quartier de la banlieue ouest de Cannes. Très rapidement, à cause du climat et de la rapide usure des courts, les jeunes gentlemen habillés de blanc décident de rechercher une surface plus adaptée pour pratiquer leur sport favori.

C’est en 1880 que les frères Renshaw ont l’idée de recouvrir la terre d’une poudre qui, à la fois protège et colore les courts. Cette poudre provient du broyage des pots en terre cuite défectueux fabriqués à Vallauris. Le succès de ce nouveau revêtement est tel (104 courts à Cannes) que bientôt il faut utiliser de la poudre de brique pour remplacer la terre cuite de Vallauris.

rg-constructionUne nouvelle surface est née: la Terre Battue. Comparée au gazon elle demandait moins d’arrosage et n’exigeait ni engrais ni tonte.                                                                                                      la construction de Roland-Garros en 1927  –>

En 1909, une société anglaise nommée “En tout cas” résout le problème de séchage des courts en terre battue qui, à l’époque, prenait parfois deux jours  même après de courtes pluies. Ainsi naquit le concept de séchage rapide (“fast dry”).
En Espagne, en Italie et en France, le climat plus doux et moins pluvieux contraignit les fabricants à adapter la technique de construction des courts “en tout cas” en dosant différemment les mélanges de sable et de brique pilée pour que les courts ne sèchent pas trop vite.

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Si c’est bien en France que l’on peut revendiquer la naissance des surfaces de tennis revêtues de brique pilée, la technique de construction s’est différenciée en traversant les frontières. La plupart des pays évoluent vers des courts en terre battue constitués par différentes couches de brique pilée en granulométrie décroissante jusqu’à la surface. La terre battue française a connu une toute autre évolution, initiée dès 1911 par Charles Bouhana.

Natif de l’Oise, ce génial ingénieur paysagiste, a en effet démontré l’intérêt du calcaire de sa région (le craon de l’Oise) revêtu d’une fine couche de brique pilée, technique reconnue aujourd’hui par les joueurs du monde entier comme la meilleure du genre.

Ce n’est que quelques années plus tard, lorsque lui a été confiée  la construction des premiers courts du stade Roland Garros en 1925, que Charles Bouhana a compris l’intérêt de l’emploi du mâchefer de cokerie (résidu de brûlage de charbon de coke), en sous couche de son craon de l’Oise. La technique de la terre battue française était parfaitement au point, jamais démentie plus d’un siècle plus tard.

Pendant ce temps, aux Etats-Unis, les courts à séchage rapide européens font leur entrée et des textures un peu différentes sont expérimentées. En 1928, H.A.Robinson crée un court “fast dry” américain avec de la pierre pilée verte appelé “har-tru” (terme composé à partir des initiales de Robinson et du mot true = vrai parce que le court est de la vraie couleur -verte- des courts de tennis originaux). Cette surface devient rapidement la préférée des Américains.

L’EVOLUTION RECENTE

De nombreux progrès concernant le drainage et l’irrigation ont marqué les cinquante années suivantes. On a pu ainsi baisser le coût d’un court en diminuant son épaisseur et développer des systèmes d’arrosage automatique externe et même la subirrigation notamment dans les états d’Arizona, Floride et Californie. Cette dernière innovation a réduit la consommation d’eau de 85% et le temps de maintenance des courts de 30 à 40%.
L’avantage majeur de la terre battue étant la glissance, depuis une trentaine d’année des industriels se sont employés à rechercher des procédés de fabrication de courts synthétiques qui « ressembleraient » à des courts en terre battue. Un type de surface constituée de granules de polyuréthane disposés sur un tapis ou sur du ciment a eu un relatif succès en Europe en indoor. Plus récemment sont apparues de nouvelles surfaces de jeu, nommées « terres artificielles« . Avec de la brique pilée en surface, l’œil fait difficilement la différence avec la terre battue traditionnelle. En grattant la pellicule rouge, on peut trouver un tapis synthétique, ou une dalle microporeuse. L’avantage : on peut jouer après le gel et il n’y a pas de remise en état annuelle à effectuer.traine
Attention! ces surfaces nécessitent aussi un entretien régulier souvent plus contraignant que pour des courts en terre battue, elles s’usent, coûtent cher et sont plus traumatisantes.

Pendant de nombreuses années, on a accusé les courts en terre battue d’avoir des coûts prohibitifs à cause d’un entretien mangeur de temps. Aujourd’hui des notions nouvelles sur la prévention des blessures, la sécurité et le confort de jeu ont poussé fabricants et gérants de clubs à réévaluer les atouts de ce type de court. Maintenant qu’on connait bien les inconvénients des surfaces dures, la terre battue devrait être incontestablement la surface de l’avenir.
L’Australie et les Etats-Unis se rendent compte du retard qu’ils ont sur les Européens et sur les Sud-Américains et s’efforcent de développer leur parc de terres battues.
Mais en France, les municipalités, propriétaires des installations, souvent trompées par des appellations et argumentations fallacieuses, sont aujourd’hui un frein au redéveloppement de la terre battue. Une nouvelle nomenclature des surfaces de tennis éditée par la FFT fin 2012 (avec l’aide de l’ADTB en ce qui concerne la terre battue et la terre artificielle) devrait permettre de mieux s’y retrouver.